La RN12, artère de la Bretagne

Quand sur la route des vacances, bloqué dans les bouchons sur l’autoroute du soleil, on entend Charles Trenet chanter les charmes de la nationale 7, un sentiment de nostalgie nous envahit. Celui de la route à taille humaine, des villages traversés, des resto-routiers… Si dans de nombreuses régions françaises, les routes nationales sont tombées en désuétude, il n’en est rien pour la Bretagne. Il faut dire qu’il n’y a aucune autoroute sur la péninsule armoricaine ! Ainsi, la route nationale 12 est toujours la principale artère qui traverse la Bretagne entre Brest et Rennes, en direction de Paris.

A Plounérin dans les Côtes-du-Nord, la route nationale 12 dans les années 1960. Carte postale. Collection particulière.

Cette nationale est issue de l’antique voie royale qui reliait la capitale du royaume à la cité du Ponant. Sous le Premier Empire, elle prend le nom de route impériale 13, avant de devenir la route nationale 12 en 1824. Formellement, son tracé débute alors à Trappes en Seine-et-Oise (actuelle Yvelines), avant de prendre la direction de Dreux, du Perche, de la Mayenne avec Laval. L’arrivée en Bretagne par la RN12 s’effectue à Vitré. A partir de 1950, le tracé subit une modification : Fougères devient la nouvelle « porte de Bretagne » par la RN12, entre Rennes et Mayenne. L’impact de cet artère est réel, influant parfois jusqu’à la toponymie comme à Plouagat dans les Côtes-du-Nord devenues d’Armor où un quartier porte le nom de « Mi-route », puisque l’on s’y trouve à équidistance des deux villes de Brest et Rennes.

Le 9 octobre 1968, grâce au lobbying du CELIB, le gouvernement français, lors du Comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT), lance un « plan routier breton », qui a pour objectif de doter la région d’un « réseau routier moderne gratuit à quatre voies avec terre-plein central ». Il faut dire qu’à l’époque, il n’y a que dans la péninsule bretonne que l’on ne peut pas rouler sur une autoroute ou sur une voie express. Le budget engagé est de 800 millions de francs afin de construire deux axes Nord et Sud en 2x2 voies.1 Au Nord, la nouvelle voie express relie Rennes à Brest en passant par Saint-Brieuc et Morlaix et emprunte une grande partie du tracé de l’ancienne RN12. Le nouveau tracé est pensé pour conserver une qualité de desserte locale. Pour cela, il passe près des différentes agglomérations (villes et bourgs) qui étaient traversées jusqu’alors. De même, de nombreux points d’échanges vers le réseau routier secondaire sont aménagés, ainsi que des voies de dessertes parallèles.

La route nationale 12 à 2x2 voies à Yffigniac, près de Saint-Brieuc. Carte postale. Collection particulière.

Les termes de voie express ou voie rapide souvent utilisés pour désigner cette nouvelle RN12 expriment bien l’intérêt premier du plan routier breton : accélérer les communications entre les différentes agglomérations bretonnes, et plus loin vers Paris. Ainsi, la vitesse est bien le nerf de la guerre de l’intégration des territoires, comme l’a notamment montré le géographe breton Jean Ollivro.2 De nos jours, on réalise désormais le trajet Brest-Rennes en 2h30, alors qu’il fallait près d’une semaine au milieu du XVIIIe siècle ! Une quête de la rapidité, qui a également longtemps laissé planer le projet de transformer la 2x2 voies en une véritable autoroute limitée à 130 km/h. Bref, on est désormais bien loin du charme des routes nationales vanté par le « Fou chantant »…

Thomas PERRONO

 

1 http://www.espace-sciences.org/science/10065-sciences-ouest/20109-Annee-1996/10198-122/10695-gros-plan/15387-histoire-et-societe/15389-le-plan-routier-breton/index.html

2 OLLIVRO Jean, L'homme à toutes vitesses. De la lenteur homogène à la rapidité différenciée, Rennes, PUR, 2000.